ROSPAPE Dalva
Ensci-Les Ateliers
PARIS
2023
Abstract
« Il faut bien nourrir tout le monde » affirme le secrétaire général de la FNSEA, syndicat agricole, au salon de l’Agriculture 2022. L’argument, imparable, légitime les pratiques agricoles productivistes auprès du grand public. Mais un nombre grandissant d’agriculteurs et d’agricultrices ont mis en place d’autres façons de cultiver. Iels favorisent le mélange des espèces, la résilience des milieux et l’adaptation. Je suis partie à la rencontre de différent·es spécialistes, des dissident·es à l’avant-garde de l’agriculture. Je dessine le portrait d’agriculteur·ices, d’une chercheuse, d’une meunière, de néo-paysan·nes, afin de raconter leur manière de penser ces métiers en mouvement.
Motivation et démarche
Au départ, il y a une expérience d’archéologie familiale et la prise de conscience d’un mode de vie paysan encore proche de moi et pourtant si lointain. Les modes de culture et de production avaient déjà bien changé alors que le moulin de ma famille était encore en activité. Je vois régulièrement au supermarché des paquets de biscuits, des yaourts ou des tranches de jambon ornés de la photo d’une personne souriante, les bras croisés, et en arrière-plan un champ vert et un ciel bleu parsemé de nuages. Des images constituées de toutes pièces mais rassurantes, qui semblent dire : “on vous l’assure, il y a bien quelqu’un·e derrière ces biscuits au blé français, heureux·se de faire son métier et en connexion avec la nature”. Derrière cette image d’Épinal, le système agro-alimentaire s’attache à se faire oublier. C’est en quelque sorte un camouflage qui entretient une image romancée, à échelle humaine, masquant une industrie bâtie sur l’idée qu’il faut bien nourrir tout le monde. Et à cette rhétorique, difficile de s’opposer. Je suis par défaut liée à cette industrie, comme la plupart des personnes autour de moi, car je vis en ville et je ne suis pas en situation d’autosuffisance alimentaire. Mais, au fond, j’ai une vision assez simpliste et fragmentée de ce système de production et de la manière dont les aliments arrivent jusqu’à moi. Puis, il y a les signaux d’alerte, des voix qui tentent de percer depuis un demi- siècle au moins. Elles mettent longtemps à parvenir jusqu’à nous, citadin·es non-expert·es, et à résonner suffisamment. Quelques-unes ont été entendues dernièrement lors de la remise de diplôme d’une grande école d’agronomie au printemps 2022. Au-delà de l’éclat médiatique, ce groupe d’étudiant·es dénonce l’obsolescence du système qu’on leur enseigne et qui nous nourrit. Leur message parle d’une bifurcation nécessaire, de trouver un chemin différent de ceux qui sont proposés. Iels invitent à se positionner face à une agriculture “verte” French Tech, gérée par des drones et des algorithmes, qui n’a pas intégré l’urgence des enjeux climatiques, exposés par les multiples rapports du GIEC.
